TED(x): corrompre les idées par les idées
Dans un billet récent sur le blogue de la Harvard Business Review, l'économiste Umair Haque explore ce nouveau culte des idées découlant de la popularité toujours croissante des conférences TED (Technology, Entertainment, Design) et autres événements de cet acabit.
Partant d'exemples historiques, Haque discute de la pertinence de cette approche des 18 minutes adoptée par les méga-conférences, concluant que celles-ci n'explorent in fine qu'un spectre étroit du monde des idées, celui des solutions. Laissant de côté toute la gamme de ces idées viscéralement ambiguës, les conférences comme TED négligent ces enjeux; ces perspectives autrement plus complexes de l'existence – on verrait mal comment la théorie de la relavité d'Einstein ou le Guernica de Picasso se prêtent à ces formats standardisés – ne sont au mieux qu'effleurées. Nos pensées, nos idées, nos théories ne sont évidemment pas toujours organisées en fonction de formats, et toute tentative de réduire la connaissance à un keynote bien préparé correspond à une forme de célébration du réductionnisme intellectuel.
En fait, Haque dénonce de telles « fausses révélations » comme autant de sédatifs, désincitatifs à l'expérience, à l'éducation et à l'élévation que requièrent des cheminements d'apprentissage plus substantiels. Par analogie avec nos comportements copulatoires, Haque considère même que :
"TED is like an Orgasm Machine for the human mind.
It gives us the climax of epiphany,
without the challenge and tension of thought."
D'abord et avant tout, Haque s'oppose à cette marchandisation des idées qui, selon lui, crée une forme d'incomfort lorsque ces idées se retrouvent nez-à-nez avec celles qui sont autrement plus complexes, « in-utiles », des idées qui requièrent un engagement, une dévotion, une implication par-delà quelques clics, quelques minutes, quelques dollars.
La popularité de cet edutainment, écrit Haque avec une certaine ironie, qui prévaut dans cette « industrie de l'épiphanie » a assurément contribué à diffuser ces raccourcis utiles qui peuvent server à gouverner nos vies. Mais les enjeux qui dominent nos existences sont autrement plus complexes, difficiles et moralement ambigus que le ton simple, politically correct, enthousiaste – à le limite naïf et infantilisant – qu'adoptent les promoteurs de ces « raccourcis utiles ».
Un article à lire, un article à débattre, sur le blog de la Harvard Business Review !
[Le billet, sur blog.hbr.org]