Points de rupture: une industrie face à ses contradictions
Ce billet est paru d'abord sous une forme légèrement différente sur le site d'Infopresse.
La 10e édition d'Advertising Week New York commençait hier sous fond de tensions dans l'industrie de la pub. Nouveaux médias, nouvelles générations, nouvelles organisations: plusieurs lignes de front laissent entrevoir d'importants points de rupture, sinon une véritable faille sismique.
Eric Alper, vice-président de Sid Lee, a peut-être donné le plus justement le ton, en décrivant le programme que son agence a conçu avec le fabricant de vodka suédois Absolut: « Ce n’est pas une campagne, c’est une plateforme. » Le panel suivant faisait l’éloge d’une certaine perte de contrôle, suggérant l’émergence du nouveau mainstream, un nouveau centre insaisissable.
Dans cette perspective, les agences ne peuvent plus être simplement le fournisseur externe d’un produit publicitaire. Elle deviennent le « muscle social », lequel ne peut vivre détaché du reste du corps, celui du client. S’il n’y a pas de véritable greffe, il ne peut y avoir de mouvement. Il ne s’agit plus de produire d’excellents spots télé, il faut aussi savoir interpeler chaque personne qui en parle, sur Twitter par exemple, après les avoir vus.
Le discours sur l’environnement ne se structure plus tant autour de la disruption – quel intérêt à rechercher perpétuellement, après un premier succès, la prochaine disruption – que de l’éruption. Les nouveaux phénomènes ne sont plus créés de toutes pièces, ils émergent. Et à une vitesse étourdissante. On ne peut tout simplement plus concevoir une campagne à l’ancienne pour un client capable de lancer un nouveau type de vodka tous les deux jours. Alors on lui écrit un manifeste, un hymne, en s’adjoignant les services d’un artiste qui en incarne profondément les valeurs.
La créativité, pour sa part, n’est plus l’exclusivité des créatifs. Entre les mouvements de crowdsourcing, où l’on soumet à la masse de grands pans du processus créatif, et la stimuation de la créativité du client, il reste bien peu de place pour les Don Draper de ce monde. Cela est d’autant plus vrai que cette conception du publicitaire n’a rien pour exciter la nouvelle génération de créatifs. Ceux-ci veulent investir leurs énergies dans des projets engageants et vrais. Et si l’industrie de la pub – ils préféreraient d’ailleurs que l’on parle d’un mode de vie plutôt que d’une industrie – n’arrive pas à s’approprier leurs talents, ils iront certainement les faire briller ailleurs.
Une part du verdict de cette première journée, au panel des 4A’s sur les nouvelles générations, est l’avenir de l’industrie dépend de sa capacité à séduire ces nouveaux talents. Et force est d’admettre qu’elle n’y arrivera pas sans faire face à ses nombreuses contradictions.
f. & co participe cette semaine à Advertising Week à New York à titre de reporters sociaux pour l'Association des agences de publicité du Québec (AAPQ) au sein de la délégation montréal.ad. Suivez nos péripéties et notre dépistage de tendances sur #RDVAdWeek et #AWX. Tous nos billets concernant AdWeek sur blog,fandco.ca sont accessibles ici.