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Opinion

Municipales: pour en finir avec la démocratie

Plaidoyer pour une gouvernance collaborative à Montréal
 
Après avoir permis à ses membres de s'exprimer collectivement sur l'avenir de Montréal et après avoir présenté le résultat de cette réflexion à chacun des quatre principaux candidats à la mairie, c'est à un rendez-vous bien spécial que nous conviait la Jeune chambre de commerce de Montréal (JCCM) : une sorte de speed dating où les candidats – qui se disputent la faveur d'électeurs déçus, amers, voire méfiants des politiciens, le 3 novembre prochain – ont circulé pour rencontrer à tour de rôle quatre groupes d'une quinzaine de membres de la JCCM, afin de se présenter, répondre à leurs questions, échanger.
 
 
La formule valait mille fois mieux qu'une heure d'un débat télévisé ou que les manchettes de la presse écrite. La proximité et l'intimité du groupe ne montaient pas les candidats les uns contre les autres mais les montraient plutôt pour ce qu'ils sont vraiment: des êtres humains avec des idées, des ambitions. Ils étaient là, avec de jeunes citoyens engagés autour d'une table qui devenait, pour un bref 20 minutes, une arène pour les idées, les leurs comme celles des convives. C'est peu, 20 minutes – une période de hockey sans les arrêts de jeu et les pauses publicitaires – mais peu de gens iront aux urnes le mois prochain avec une expérience aussi intime avec chacun des quatre candidats que cette soixantaine de représentants de la relève d'affaires montréalaise.
 
Des humains, pas des faces sur des pancartes
 
C'est tellement plus difficile de traiter une personne de tous les noms, de la réduire à un vulgaire qualificatif (pas toujours vulgaire, heureusement), quand on a eu un moment en tête à tête avec elle, quand on s'est regardé dans le blanc des yeux, quand on a insufflé une échelle et une qualité humaine au rapport. À Val-Morin, on peut encore rêver, mais ce privilège ne sera jamais étendu au million point quelque d'électeurs de la métropole, qui sont pourtant appelés à voter directement pour un maire, pour un être humain complexe, profond, beaucoup moins facilement "caractérisable" que ses promesses, son programme ou son image publique.
 
J'avais déjà eu l'occasion de parler individuellement à chacun des candidats, pour la plupart avant même qu'ils soient candidats, et développé un grand respect pour leurs qualités respectives. Mais cette fois, ils incarnaient tous des candidats accomplis qui, chacun à sa façon, donnaient toute sa dignité à cette position inconfortable, toujours vulnérable, de celui qui cherche l'élection. Il n'y pas job plus difficile que celle qui demande, sur la base de ses idées, sa personnalité, son image, à un individu de convaincre personnellement un demi-million de personnes de la lui accorder. Et c'est d'autant plus vrai qu'on sait à l'avance qu'une bonne moitié des patrons (les citoyens) seront déçus du choix de leurs pairs, avant même qu'un seul geste ne soit posé, un seul mot prononcé. L'engagement politique dans son sens le plus pur est une véritable profession de foi, un don de soi au service des idées et de ses valeurs.
 
Le paradoxe du choix
 

Tout l'exercice démocratique auquel nous nous soumettons presque une fois l'an (si l'on compte les différents gouvernements qu'ils nous faut élire) repose sur cette idée de déclarer un vainqueur parmi ceux qui "se présentent". S'ils sont tous mauvais, on fera nécessairement un mauvais choix. S'ils sont tous bons aussi.
 
Je comprends qu'il nous faut bien, à un moment ou un autre, choisir collectivement celui ou celle qui nous représentera et que c'est là l'essence de la démocratie représentative. Mais je ne sais pas par quel détour de ce monde qui a changé, on en est venus à choisir celui qui nous propose le meilleur tramway, d'augmenter l'évaluation de ma propriété (et par conséquent mon compte de taxes) ou de changer ou non le sens de la circulation sur ma rue. On nous demande d'approuver à l'avance une liste de décisions – qu'on appelle communément "programme" – que nous savons tous qu'elles ne seront pas si facile à prendre.
 
Revenir à la gouvernance
 
En réalité, ce que nous devrions choisir dans notre action collective, si nous étions vraiment démocrates, c'est une administration municipale qui nous garantirait la recherche constante de la meilleure décision (appelons-la optimale) pour notre avenir collectif.
 
Or, je veux d'un politicien comme Denis Coderre pour défendre vigoureusement les intérêts de la Ville de Montréal à la porte des gouvernements dont dépend son existence. Je veux d'un Marcel Côté qui a consacré sa carrière à remettre de l'ordre dans des administrations de grandes entreprises tout aussi byzantines que celle de notre ville. Je veux de cette intelligence d'un Richard Bergeron, qui comprend l'essence de la Cité, qui perçoit clairement le lien entre l'intervention sur le lieu et l'effet sur le vivre.
 
Et puis je veux surtout de cette fougue rationnelle de ma génération – qu'incarne parfaitement Mélanie Joly – capable de dire parfois à nos paternalistes baby boomers que, même s'ils savent déjà tout, eh bien nous aussi, on peut avoir raison.
 
Alors, je me demande, le 4 novembre, quand, alea jacta est, le sort en sera jeté, ce qu'il adviendra de ces trois candidats rejetés, qui auront tout de même recueilli près des deux-tiers de nos votes, qui auront cogné aux portes, serré nos mains, écouté nos problèmes et points de vue pour mieux nous comprendre, stimulé notre imagination et nos rêves par leurs propos.
 
 
 
Un pour tous et tous pour Montréal
 
Montréal, notre ville bien aimée, bien vivante en ses rues – à tel point qu'on néglige presque la nécessité de veiller à sa gouvernance – a besoin d'une mairie à son image. Diverse, dynamique. La tâche de remettre de l'ordre dans un système qui a été trop longtemps laissé à des technocrates bidouilleurs, bousilleurs, plus intéressés à leur petit profit qu'au bien de tous, est tout simplement trop grande pour une seule personne.
 
Pourquoi n'ajouterions-nous pas, vu les circonstances, pour cette fois-ci seulement, juste pour voir, une autre option sur nos bulletins de vote?
e) Toutes ces réponses
 
Que ces quatre candidats du tonnerre, pour les quatre prochaines années, s'attellent à remettre Montréal sur les rails (avec ou sans tramway!). Ils ne s'entendront pas, a priori, sur toutes les décisions à prendre. Mais c'est exactement ce qu'il leur faut. Ce qu'il nous faut. Je ne connais aucune famille ou PME fonctionnelle où c'est toujours la même personne qui a raison. En fait, une fois la solution idéale trouvée en groupe, par la délibération, on réalise souvent qu'au début, personne n'avait vraiment raison,  Qu'ils se concertent, donc; qu'ils discutent, explorent, s'obstinent abondamment. Je suis certain qu'au bout d'un seul mandat, nous ne reconnaîtrions plus notre Hôtel-de-Ville. On fera sortir de la fumée blanche, une colombe, des feux d'artifices ou une fontaine de Skittles de la cheminée chaque fois qu'il s'entendront.
 
Et s'ils ont besoin, je suis prêt à animer pro bono leurs séances de brainstorming.
 
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