Collaboration et créativité en Colombie
La semaine dernière, à la suggestion de la professeure Edna Bravo, notre co-fondateur, Louis-Félix Binette était invité par la faculté de génie physique et mécanique de la Universidad Industrial de Santander, à Bucaramanga, en Colombie, afin de partager ses réflexions et ses expériences sur la créativité, la collaboration et l'entrepreneurship. Voici son compte-rendu de cette série de conférences et d'ateliers sur le thème de la créativité et de l'innovation, et sur la génération d'idées d'affaires.
L'événement principal était une grande conférence, où j'ai présenté, sur fond d'appel à la grève générale (comme en témoignaient les pupitres entassés devant les portes des pavillons universitaires), devant un parterre d'environ 300 étudiants, chercheurs et professeurs en génie et design industriel, un portrait de la nouvelle ère de l'information et comment celle-ci dérange les habitudes acquises pendant les deux siècles de la révolution industrielle.
« Vous êtes créatifs! »
Mon premier message a été de renforcer chez les étudiants et praticiens que le génie comme le design sont parmi les premières sources de créativité de nos sociétés. Alors que l'on réserve souvent le titre de « créatif » aux seuls artistes, ce sont designers, ingénieurs, scientifiques et, de plus en plus, entrepreneurs et managers, qui, devant la nécessité quotidienne de résoudre des problèmes, doivent explorer des solutions nouvelles, lesquelles ouvrent ensuite de vastes champs à l'exploration artistique.
Nouvelles énergies, nouveaux enjeux.
Je me suis inspiré des travaux du penseur québécois Michel Cartier pour inviter les participants à concevoir l'information sous forme d'énergie. Alors que, grâce au génie, l'énergie mécanique, particulièrement pendant la révolution industrielle a remplacé progressivement le travail musculaire des bêtes et des hommes, les nouvelles technologies infusent une nouvelle forme d'énergie, qui s'ajoute comme une couche supplémentaire sur les autres: celle de l'information, de la connaissance et des idées.
Cette transformation profonde apporte une nouvelle complexité au monde, notamment parce qu'elle entraîne une virtualisation importante de pans entiers de l'action humaine. Elle rend d'autant plus difficile la distinction des intérêts technologiques des enjeux économiques et sociaux. En conséquence, les ingénieurs et designers de demain vendront de moins en moins d'objets et de machines, ils mettront plutôt leur savoir-faire et leurs capacités créatives au service de la réalisation de grands projets pour la société.
Une telle discussion n'aurait évidemment pas été complète sans un survol des outils et approches (C–K Theory, design thinking, storytelling, serious play, etc.) qui, avec la collaboration comme moteur principal de la créativité, permettent de tirer profit de cette complexité. Cette présentation d'ordre plus théorique a été suivie par des ateliers plus ciblés destinés à mettre en pratique la dimension collaborative de cette nouvelle organisation du travail.
Creativity in the Age of Information from f. & co on SlideShare
Apprendre par le faire.
Un atelier de co-création visant à faire émerger des projets pour transformer la ville a permis à une soixantaine de participants (étudiants, employés et enseignants de la faculté et quelques entrepreneurs) d'expérimenter avec les LEGO, le storytelling, le brainwriting et le mindmapping. Sous une pluie de post-its et au fil de nombreuses itérations se dégageaient les piliers de la ville idéale de la jeunesse colombienne: environnementalisme, participation citoyenne et justice sociale.
Une séance exploratoire avec étudiants et professeurs de la spécialisation en gestion de projets de construction en génie civil a permis d'explorer des questions qui font aussi l'actualité ailleurs qu'à Montréal. Comment mieux construire la ville? La créativité et la collaboration peuvent redynamiser les équipes de projets et générer des innovations importantes. Pour l'illustrer, les participants, déjà mouillés aux réalités du travail dans le domaine, ont dû se prêter au Marshmallow Challenge, puis ont exploré les bénéfices d'une gestion de projet qui serait davantage collaborative, distribuée et ludique afin de mieux relever les défis de la complexité que les structures hiérarchiques.
Finalement, j'ai tenu un échange des plus fructueux avec des gestionnaires aguerris inscrits au Executive MBA de la Universidad Santo Tomas, un programme de deux ans avec cours les soirs et fins de semaine. Les questions de gestion de la connaissance, dès lors que l'on reconsidère ce qui constitue la connaissance d'une organisation, ont permis de faire émerger de nouvelles pratiques, collaboratiives, participatives, grassroots ou de type start-up, que peuvent notamment employer les grandes organisations pour faire émerger les nouvelles idées, de nouveaux modèles d'affaires et favoriser l'intrapreneurship.
La traversée Montréal-Bucaramanga n'est pas de tout repos: départ à 4h du matin, correspondances épiques à Miami (huit heures) et Bogotá (trente minutes), arrivée peu avant minuit dans un aéroport à moitié rénové. Et le retour n'est guère mieux. Heureusement, l'hospitalité colombienne est à la hauteur de sa légende. Et les trois journées passées dans la région de Santander ont généré des rencontres exceptionnelles, tant du côté académique que professionnel, et semé le germe d'amitiés prometteuses pour les futures aventures latino-américaines de f. & co!
Conferencia magistral de Louis-Félix Binette [Spanish translation] from uisvideo at livestream.com